Dans le silence étoilé, la céleste plénitude, loin des terres, loin des hommes et pourtant. Satellite lunaire, la grande Siladriëa irradie, semblable au berger, brille au-delà des tempêtes, au-delà de la brume et la foudroie, implacable. De leur temple de lumière cristalline, les siladrieans posent un regard ,pour certains, indifférent, pour d'autre admiratif. Êtres immatériels, sans chairs, sans os, gardien du savoir millénaire, créateur de vie matérielle, animée, inanimée, admiratifs de la plus simple expression des sentiments humains qu'ils ignoraient. En des temps que certains ignorent, des êtres descendus de leur étoile, portant forme humaine, allèrent à la rencontre du peuple humain qui les vénèraient pour leur connaissance et leur pouvoirs et les élevèrent aux rangs de déités. De cette rencontre naquît pour la première fois dans l'histoire siladrïeanne un amour véritable et charnel entre un dieu et une lycanne, donnant naissance à un petit loup.
Certains découvrirent les maux de la Terre et décidèrent de la quitter pour regarder l'étoile, d'autres y demeurèrent. L'amoureux ne put se résigner, à la mort de sa mie, à demeurer séant. Il avait appris tantôt l'amour et la peine presque siamois. De cette peine naquît le désir d'une unique création, comme un enfant, un souvenir. Il créa à l'image de la lycanne chérie, l'image de la beauté et des amours charnels. Ishtar était née, déesse de fécondité, d'amour et de guerre, son contraire. Semblable à son père, elle s'attardait à admirer de son étoile, les êtres qui s'agitaient incompréhensiblement et irrésistiblement. L'objet de toutes ses attentions était l'amour qu'elle ne connaissait guère et parfois, on la voyait tendre les mains vers les couples et un enfant naissait. On dit alors que lorsque les doigts d'Ishtar percent les nuages, rayons dorées, et se pose sur deux amants, un enfant dans l'année nait.
Le peuple siladrïean excellait dans l'art de l'incarnation et de la métamorphose, à chaque âge correspondait une nouvelle forme. Ishtar comptait parmi les plus talentueux et prenait les formes les plus variées et les plus complexes.
Des années s'écoulèrent, des siècles, les enfants avaient à leur tour des enfants, qui donnèrent vit à d'autres enfants, et l'ennui gagnait le cœur solitaire d'Ishtar. Elle contemplait mais nourrissait au fond d'elle le profond désir de sentir, ressentir, vivre ses choses qu'elle ne comprenait pas. Chaque jour, elle se penchait d'avantage, se penchant, se penchait..jusqu'au jour où elle chuta de son étoile, morceau de lumière qui rompit la terre, y creusant un sillage.
L'âme perdue resta recroquevillée durant plusieurs lunes dans le sillage que la pluie avait changé en boue, sa lumière s'amenuisant un peu plus chaque jour. Attendait-elle que l'on vienne la chercher? Après plusieurs mois, sa lumière ne brillait plus et ses contours s'effaçaient peu à peu, devait-elle disparaître? Elle fit le choix que ses pairs avaient fait jadis, se mêler, apprendre de ce monde qui l'avait tant fasciné. Elle se fondit alors dans une forme humaine et apparut parmi les Hommes...nue.
Il lui fallu de nombreux jours pour apprendre la pudeur et se vêtir. Elle observait, silencieusement, et enfermait tout ce qu'elle voyait de nouveau dans un cristal poli d'une rare pureté. Bientôt, elle pu parler, communiquer. On lui attribua un nom indien, Ashwaria.
Alors qu'elle s'était éloigné du village, elle entendit le claquement reconnaissable d'un arc, vint ensuite la sifflement d'une flèche qui frôla sa joue. Ne connaissant ni crainte, ni douleur, ainsi elle ne réagit pas . Ce n'est que lorsqu'une deuxième flèche rompit la chair qu'elle prit conscience du danger. Elle resta un instant interdite, cherchant à comprendre ce qui venait de se passer. Elle toucha l'endroit qui la blessait tant et observa quelques secondes sa main rougit. Un autre flèche vint la heurter, un cri étouffé chercha à s'enfuir de ses lèvres entrouvertes. Sans qu'elle ne commanda plus son corps, ses jambes s'animèrent seule et elle se surprit à courir. Deux hommes étrangement vêtus la prirent en chasse. Un grand édifice se dessina devant elle. Elle se précipita aux portes, espérant trouver une issue, mais les portes demeuraient closes. Elle sentit un éclair de douleur à son épaule droite, tout alors devint silence et le paysage s'assombrit. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle se trouvait en cage, ligotée et nue. Les hommes qui l'avaient poursuivis l'observaient à travers les barreaux et souriaient. L'un d'eux la saisit par les cheveux et la traîna dans une cour où plusieurs étaient enchainées par le cou. Elle comprit bien vite que personne ne viendrait la chercher ici. On emprisonna son cou dans un collier d'acier, on meurtri son corps d'innombrables coup de fouets, jusqu'au jour où la cité fût détruite.
Elle errait à la recherche d'un visage familier, traumatisée par ces violences dont elle ignorait le sens.
Ses pas la guidèrent sur des terres sombres. La nuit d'encre engloutissait tout de son ombre. C'est ce soir-là que le mal s'est abattu, au détour d'une ruelle, sur l'enfant de l'étoile. Elle était désormais liée, malgré elle, à ce monde dont la violence et la dépravation surpassait la vie qu'elle avait pu quitter. Elle apprit la trahison, le mal, la souffrance et la peine, tout ce que l'homme faisait de plus détestable. Elle connut la violence des guerres interminables.Et plus elle errait sur ces terres, plus le sang de sa forme de louve prenait le pas sur les autres, annihilant les gênes les plus faibles de sa constitution.
Elle appartenu à de nombreux clans, sans pouvoir se lier à aucun, sans trouver la raison qui la pousserait à rester. Son cœur se noircissait sans qu'elle ne s'en rende compte...jusqu'au jour où... un démon brutal et fiévreux croisa son chemin, forçant son amour et emportant sa vertu. Il la violenta avec une telle bestialité qu'elle dut être conduite, par l'Impératrice démon en personne, aux hospices les plus proches. Elle apprit là-bas, que la bête lui avait prit bien plus, le droit de pouvoir enfanter. C'est ce jour que ses illusions ainsi que son innocence s'étaient noyé dans la marre de sang qui coulait d'entre ses cuisses. Elle devint une jeune femme dure et décidée à ne plus laisser quiconque décider de son propre destin, la déesse sommeillant en elle, attendant le jour de son éveil ...