Une âme s'éteint ...

Le silence de la nuit qui s'abat sur la
grande Nosgoth. Une silhouette se dessinait sur les toits et son
ombre s'étirait sur la face blafarde des hautes battisses. Elle
restait immobile, seul sa longue crinière de jais qui venait
fouetter son visage la différenciait d'une gargouille. Son regard
vert tâché d'or perçait à travers les mèches éparses qui
dissimulait partiellement son visage. La chaîne d'argent accroché à
son nez glissait faiblement sur sa joue, retenant quelques perles
salées qui venaient y mourir. Aucun soupire, aucun spasme de
sanglot, juste des larmes qui se répandait comme répondant à leur
volonté propre sur la peau ambrée. Sa longue queue blanche
demeurait sage et n'avait pas le cœur à danser dans le vent. Tout
était calme et la vie semblait avoir quitté la cité. L'ombre
ouvrit les bras et se laissa chuter, ses longs cheveux se dressant
derrière elle. Elle toucha le sol dans un bruit sourd qui se mêla à
celui du tissu de son kilt. Un regard à ses avant- bras dont les
veines avaient repris leur forme originelle. Il était temps de
rentrer, oublier le sang de la nuit, la fureur, la peine …





Sans se presser et de sa démarche
lascive, elle allait les rues, caressant de ses griffes les murs des
bâtiments déserts, respirant les effluves de la ville. Bientôt
l'herbe baignée de la rosée matinale se rompait sous ses pieds
bottés. Arrivée aux portes du domaine Arkhos et comme à son
habitude, elle posa le pied sur une dalle baroque qui actionna le
mécanisme du pont-levis. Elle conservait le regard tourné vers le
sol qui lui cachait l'inexorable et funeste découverte. A son tour
vint la grille qui lui céda le passage dans un cliquetis singulier
de ferraille. La shewolf leva lentement les yeux et resta un instant
interdite. Son souffle ainsi que la couleur à ses joues semblèrent
s'évanouir alors que se balançait devant elle son Commander. L'air
lui manqua subitement et elle battit des bras dans le vent comme
chercher à se raccrocher à quelque chose d'invisible. Sa
respiration était irrégulière et elle crut suffoquer. Elle
étouffait et se libéra de l'écharpe qui entourait son cou et qui
alors pesait comme un étau à sa nuque. Le visage blême et les
mains tremblantes, elle tituba vers le corps. Elle chercha vainement
à soulever le corps comme pour l'aider à reprendre vie mais la
corde avait achevé son morbide labeur. Elle chercha rapidement du
regard un appui et hissa péniblement une pierre sur laquelle elle se
hissa pour trancher d'un geste vif les cordages. Le corps inerte lui
tomba lourdement dessus, l'écrasant au sol. Elle se débattit pour
le repousser et une fois délivrée de son étreinte, elle resta, les
bras ballants le long du corps,agenouillée sur l'herbe, attendant de
se réveiller de cet horrible cauchemar. Elle appela plusieurs fois
son prénom espérant qu'il lui réponde. Elle le gifla, plus
l'espoir la quittait, plus elle frappait fort. Elle laissa alors
échapper un cri déchirant, s'agrippant au corps froid et se
pressant contre lui, le berçant contre son sein. Elle resta ainsi de
nombreuses heures. L'idée lui traversa de faire de même mais elle
ne pouvait se résoudre à abandonner le clan. Et elle dut se
résoudre à l'évidence, il ne reviendrait pas à la vie. Elle se
décida enfin à lâcher le corps et chercha du regard une pelle.
Chaque coup qu'elle portait à la terre lui arrachait un sursaut,
comme la frayeur d'accepter... Une fois le corps ensevelit, elle
contempla encore de longues minutes la terre fraichement retournée.
Elle posa la pelle et pris sa dague qu'elle porta vers son visage …
Avant de saisir de l'autre main une de ses mèches et de la couper
pour la laisser tomber en cascade sur la tombe. Elle tailla deux
planches grossières de bois, se jurant d'offrir une digne sépulture
à celui qu'elle considérait comme un frère. Le Commander est mort
et il fallait continuer, il ira rejoindre le panthéon des héros,
aux côtés de Dwaren et que les cieux leur apportent à tous deux la
paix s'ils ne l'ont pas trouvé sur cette terre...