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Me voila seul, aujourd'hui, je pers tout ce qui m'a un jour appartenu.
Je n'ai plus ni famille, ni amis, ni résidence,
Rien de plus qu'un clochard, un crieur de rue, sans talent aucun.
Je fuis la ville, le regard des gens, j'aime a me promener librement, avoir l'impression d'exister par le simple bruissement de mes bottes qui foulent l'herbe, je dévie de ma route quelques branches, quelques cailloux, jusqu'à tomber sur un morceau de tissus, que je prend, que je sent, que j'apprécie. Des choses simples...
A ses cotés, une brindille, a mes yeux, presque humaine, c'est alors que je rencontre mon premier ami, cette branche, vêtue d'un vieux mouchoir de soie, J'arrive encore a m'amuser de son existence, comme un enfant, comme un fou.
Aujourd'hui j'étais seul, aujourd'hui j'ai trouvé, j'ai compris, enfin, ma destinée
N'y a-t-il pas plus beau métier que celui de créer la vie, ou au moins d'y faire croire...
Aujourd'hui, je retourne en ville, armé de ce pantin figé, qui m'amuse tant...
Alors que je le fais marcher, danser et rire sur les pavés de mon ancienne rue, la foule s'agglutine autour de moi, les plus jeunes rient a mes cotés, inventent des histoires, pour ce petit théâtre de rue...
Si les enfants brillent par leur crédulité, leur aptitude a imaginer, a rêver, les plus âgés m'éclipsent d'un revers de main de la vue de leurs fils, comme si je n'étais rien.
Les jours se suivent, et j'enrichis la scène de nouveaux personnages, un vieux gant, une écharpe, mes personnages évoluent, deviennent mobiles, j'accroche de fins fils de soies a leurs extrémités, ils dansent aujourd'hui seuls, par le simple mouvement de mes doigts agiles au dessus de leurs têtes.
La foule grossit toujours un peu plus, les gens viennent voir et découvrir, leur joie amplifiant chaque fois qu'un nouveau personnage entre en scène...
Et voila que j'existe, a nouveau, aux yeux des gens, de "Crieur de rues", je passe au grade de "Manipulateur de bouts de bois. "
Un rôle, franchement pas très glorifiant, et qui pourtant me plait, plus que tout, les gens se montrent généreux, j'entasse bibelots et pièces, je vends même certaines créations, assez pour m'offrir un nouveau chez moi...
Certes, il était lugubre, Certes, c'était une cabane de jardin, et pourtant, c'était tout, c'était un toit, un refuge.
Alors que j'accroche mes plus vielles créations aux poutres branlantes, me vint a l'esprit une idée, une envie.
Ne plus mimer la vie, si c'était possible ?
J'entame alors une nouvelle vie, si le jour, je passe mon temps dans les rues, les nuits, je m'affaire a bien plus de choses...
Je découvre la sculpture, les matériaux, le bois, le métal, la soie, le cuir, tout ceci m'inspire tant, alors que je coud une nouvelle robe, mon regard se pose sur mes doigts, aujourd'hui fins et agiles...
Ne sommes nous pas, de magnifiques objets ?...
J'entame ce projet ambitieux et fou, en oubliant parfois le jour, on vient parfois toquer a ma porte, voir si je vis encore,
je m'amusait alors, a encercler mes bras de bois taillés, renforcés de métal, tirés de fils de soies, que je remplace souvent, car ils s'usent...
je parvient cependant a ma première création folle, mon bras.
Je l'ai revu, revisité, refais, ce nouveau membre de bois et de métal enveloppe ma chair humaine, déjà, je me sent plus fort, la synchronisation est parfaite, alors que mes doigts charnus s'animent, ceux de fers jouent dans l'air, la mélodie de ces légers cliquetis m'enchante, j'ai accomplis un rêve, et pourtant... Celui là semble s'élargir encore...
Quelle douce musique, est la vie...
Je croise tous les jours des hommes, des femmes, qui me paraissent moins humains que la création que j'ai en tête, chaque décharge est une banque que je dévalise, trouvant par ci par là, des doigts, des yeux, des cœurs, des vies...
"-Ca y est...
-Le voila enfin...
-Fils, premier d'une longue lignée... "
J'ouvre les yeux sur ma première création, le cuir est lisse et beau, il ne ressemble pourtant pas a un humain, trop dur, trop lourd... Et pourtant, je vois en lui un Fils...
Si toutes mes créations ne sont que de vulgaires assemblages d'objets récupérés, accompagnés de mécanismes basiques, celui la me parait différent
Je pose mes doigts sur sa tempe, les laisse glisser sur son cou, pour sentir les fils de soie, qui déjà, s'usent, chose qui m'agace éperdument.
Les phalanges posés sur ce crane froid, je ferme les yeux de dépit, soudain ramené a la réalité d'une vie, dont personne ne pouvais avoir le secret, il n'était d'un tas de ferrailles, que je ne pourrais même pas animer, tant il était lourd.
Mes doigts se crispent, puis le repoussent, je sens perler sur ma joue une larme de deuil, celui d'un être qui n'a jamais existé. L'objet inanimé tombe a terre, dans un bruit de fracas, résonnant comme un cri en moi.
C'était inutile, j'étais inutile
Je retournais en ville, a ces petits bonheurs qui maintenant me paraissaient fade... Avais-je vieilli ? Simplement ?
Non...
Chaque soir, je retournais chez moi, repoussant du pied les morceaux rouillés de mon enfant sans vie, qui se décomposait chaque jour un peu plus...
Ces fichus fils de soie
Cette fichue lourdeur
Cette fichue vie
Mon existence ternie, je repose une dernière fois la main sur le cœur de la bête, et baisse les yeux a terre
Les minutes passent, et pèsent sur mes épaules
C'est là... Alors que je relève la tête, que ce bruit de rouille si familier se fait entendre, un autre craquement de bois me força a lever les yeux, sur celui qui m'avait imité.
Je penche la tête a gauche, et me voila face a un être miroir, je respire profondément, affolé, et voila que le torse, sur lequel j'ai la main, se soulève
Je rompt le lien, ne comprenant pas, il n'y avais plus de soie, pour l'animer, et pourtant, il tenait encore, la tête redressée, face a moi...
...Je referme alors mes doigts sur ma paume, et voila qu'il retombe, Je me vois sursauter, je ne sais pas si j'ai peur, ou si je suis excité, mais je le regarde, avant de tendre a nouveau un index vers lui, je bouge une phalange, il lève un bras, je ris.
Emporté par cet élan de joie et de découvertes, je brusque les choses, je le force a se lever, et déjà, a danser, Acteur né, il joue son rôle a la perfection, mes rires se font plus fort, et percent la petite bâtisse de bois qui recouvre ma tête
Je crois qu'ils me prennent pour un fou, dehors.
Tous les jours, je teste les nouvelles limites de ce don, jusqu'à ce jour
Il y a eut un problème...
Je ne sais pas... je ne sais plus...
J'ouvre les yeux, et me voila aux rives d'un port blafard, dans une ville morne... Qui n'est pas la mienne...
J'ouvre les yeux sur un nouveau monde, il parait si éloigné du miens, les technologies sont arriérées, mais les êtres sont sur-évolués,
Chaque jours, de nouvelles races m'apparaissent
Chaque jours, de nouvelles découvertes m'émerveillent...
Je vais rester ici, un peu, toujours peut être...
Il semble que j'ai été envoyé en ce monde, car il n'y avais pas de place pour mes talents dans l'autre
J'aurais pu être une bête de foire, dans un monde dépourvu d'imagination
Me voila au milieu de la ménagerie, pour mon plus grand bonheur...
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La suite de mon histoire s'écrira, l'encre qui la trace coule déjà, aux cotés de la votre.